jeudi 8 février 2018

Nous avons testé pour vous... La Gore-Tex transalpine run - Par Olivier G.

Dimanche 1er septembre 2014 : c’est avec une émotion jamais ressentie auparavant que je passe la ligne d’arrivée de l’UTMB, en compagnie de Michèle qui m’a accompagné pendant ces 44h d’efforts.
Quelle aventure! Quelle leçon de vie!
Et puis, la question piège arrive, entendue des centaines de fois: “Alors Olivier, quel sera ton prochain défi?”. Elle est pleine de sous-entendus : Après cet UTMB, forcément, on ne peut s’attaquer qu’à quelque chose de plus grand, de plus extravagant. Ou tout simplement, remettre le couvert sur ce même type de course? La diagonale des fous par exemple? Cela semble tellement facile!
Rapidement, deux axes de développement m’apparaissent comme une évidence :
  • Si je continue sur des distances aussi énormes, il faut privilégier des courses à étapes. De cette manière, je peux me reposer la nuit et mieux goûter aux paysages la journée.

  • Augmenter la difficulté technique, que ce soit en rapport dénivelé/km ou chemins plus difficiles, “casse-pattes”, de manière à continuer ma progression en montagne et garder un challenge lorsque le kilométrage de la course est plus raisonnable.

Assez vite, mon attention est attirée par la Transalpine, course par équipe de deux, en étapes, à travers les Alpes, d’Allemagne en Italie, passant par l’Autriche et la Suisse.
Pendant que l’idée mûrit dans mon cerveau, il m’apparait évident que la notion de partage avec un équipier est quelque chose de nouveau et très attrayant. Encore faut-il trouver le partenaire idéal, intéressé par un tel challenge et avec qui j’ai envie de partager une semaine de course.
C’est finalement Laurent Lejeune qui marquera vraiment son intérêt pour participer à cette aventure.
Après sa déception de ne pas être tiré au sort pour l’UTMB 2017, nous avons pu nous inscrire sans aucune difficulté à la Transalpine. D’un format très différent de celui de l’UTMB, 7 étapes en lignes au lieu d’une boucle unique, certains chiffres font réfléchir et participent à une sélection « naturelle » des candidats au départ : 255km, plus de 15.000 mètres de dénivelé et un prix d’inscription s’élevant à 1.500€ par équipe… Gloups… Et encore, pour ce prix-là, vous avez droit au confort minimum : nuit en dortoir commun, bien souvent dans des gymnases…
C’est décidé, quitte à casser la tirelire, nous optons pour la formule « luxe » avec nuits en chambre d’hôtel !





La préparation
Basée sur nos expériences réussies, nous avons choisi un schéma désormais classique pour nous préparer à encaisser kilomètres et dénivelé : les fameux WE chocs venant se greffer sur un plan d’entraînement plutôt classique (de type marathon).
  • Fin mai : participation à la Maxi-Race d’Annecy, sur le format 2x42,5km et 5.000D+ ; course de préparation idéale car à peu près identique à la transalpine au niveau de la répétition et de l’intensité des efforts.

  • Début juillet : Tour des Glaciers de la Vanoise et stage trail du RCB à Argentière pour moi. Même stage pour Laurent, mais avec 2 jours supplémentaires pour accumuler les kilomètres.

  • Début août : Stage trail autour du Mont-Blanc, en 6 jours de mon côté, Laurent choisissant une préparation solitaire de 4 jours sur le parcours de l’UT4M, autour de Grenoble.

La dernière longue sortie, du côté de Spa, nous permettra de nous rassurer mutuellement sur notre niveau et le fait que nous sommes très proches en terme de performance. Elle permettra surtout de bien définir, en commun, nos objectifs et la tactique à adopter par rapport à la course : viser avant tout l’arrivée, en nous économisant suffisamment pour être capable de repartir le lendemain sans trop de difficultés. Nous ferons le point après la 4ème étape, la plus longue (49km).

Four countries, two runners, one week, the Dream!
2 septembre : voyage en avion vers Munich. J’ai revêtu mon t-shirt de l’UTMB, histoire de me donner du courage et me persuader que je peux y arriver. Le résultat est plutôt inattendu : dans l’avion, une dame se retourne plusieurs fois, visiblement intriguée. Sans le savoir, je viens de me faire une amie ! La conversation s’engage autour du Mont-Blanc puis dévie sur la Transalpine. Christiane, allemande travaillant à la commission européenne, est impressionnée et nous dit combien elle aimerait faire ce genre de course. Facile Christiane, il faut juste commencer à s’entraîner ! Et bien, croyez-le ou non, elle a rejoint notre groupe d’entraînement AXA et progresse à vue d’œil ! Belle histoire pour commencer ce voyage ! Grâce à elle, nous trouverons assez facilement le train qui nous mènera de Munich à Fischen im Allgau, juste à côté d'Oberstdorf.
On pourrait comparer ces 2 villages aux Houches et à Chamonix. Cette comparaison nous ramène au sujet du jour :  Laurent et moi avons passé le temps du voyage à suivre LA course de l'année: l'UTMB. Ces mecs sont vraiment incroyables: réaliser le parcours en 19h... Magie de notre époque et de la technologie, nous avons suivi l'arrivée de François Dhaene et Killian Jornet sur la TV online de nos smartphones… Surréaliste !
La météo, exécrable depuis plusieurs jours, a détrempé les champs et fait déborder les rivières…
Le temps de trouver notre hôtel (20’ à pied…), nous retournons déjà au village pour la pasta party et le briefing, qui seront nos rendez-vous quotidiens importantissimes vu leurs qualités. Après avoir lu le règlement, nous donnant l’impression qu’il faut être un champion de l’autonomie et de la lecture de carte pour s’en sortir, le parcours du lendemain est systématiquement décortiqué en présentant le fléchage, les passages délicats, les consignes de sécurité, le profil de l’étape présenté avec une animation Google 3D… Comme nous nous en rendrons compte tout au long de la semaine, l’organisation est très professionnelle et à la hauteur de la taille de l’événement. Imaginez-vous qu’ils gèrent le logement, la nourriture et le déplacement des bagages de 286 équipes… Tout cela à travers les Alpes, sur de petites routes de montagne, pendant 7 jours… Un exploit !
3 septembre : La météo a forcé les organisateurs à nous envoyer sur un "parcours de repli": 1750D+ au lieu des 2200 du programme initial... Veinards pensez-vous? Eh bien, je vous invite à courir dans la météo du départ: même une grenouille s'y serait noyée!
Mais Laurent et moi étions trop impatients de démarrer la compétition pour vraiment se formaliser de cela. D’ailleurs, notre bonne humeur est récompensée par une amélioration continue des conditions de course.
Cette première journée a été idéale dans la mise en place de notre équipe: comme on s'y attendait, nous sommes une équipe très homogène: Laurent légèrement plus à l'aise sur le plat ou les faux-plats, moi m'exprimant mieux quand la pente s'accentue ou que le terrain devient très technique. L'étape du jour ayant été très rapide à cause des nombreuses routes macadamisées et du parcours tracé au 2/3 dans la vallée, vous devinez aisément celui qui s'en est sorti le mieux. Mais nous sommes restés ensemble toute la course et nous avons pris notre pied avec une moyenne horaire idéale: 5h37' pour avaler les 42,5km et 1750D+ pour arriver en Autriche, à Lech am Arlberg.













Au briefing du soir, nous apprendrons qu’une couche de 50cm de neige au moins s’est déposée à 2.500m d'altitude. Nous aurons donc droit à un second parcours de repli.

4 septembre : Sankt Anton am Arlberg, toujours en Autriche. La journée a été idéale: grand soleil toute la journée, paysages grandioses et, cerise sur le gâteau, étape relativement courte et quelques mètres de dénivelé en moins que prévu. La faute à la neige qui, à 2.500 mètres d'altitude, était tombée en bien trop grandes quantités. Nous nous réjouissons, Laurent et moi de participer à une organisation qui prend la sécurité des coureurs très au sérieux.







Notre première montée du jour culminait à 2.350 mètres et nous pouvons vous assurer que la neige a rendu certains passages extrêmement délicats. Nous avons donc eu une étape très technique, comme je les aime. Et Laurent se mettant au diapason, nous avons "mangé" pas mal d'équipe aujourd'hui, avec à la clé un meilleur classement qu'hier. Le résultat de la journée: 27km et 1.800 D+ en 4h56'.
5 septembre : La météo change vraiment très vite en montagne. Nous sommes partis à 7h ce matin sous un crachin qui ne nous a pas quittés jusqu'à midi. Vu les températures en hausse, c'était un casse-tête pour trouver la bonne tenue de course.
Mais le plus délicat était bien évidemment l'état du terrain après une nouvelle nuit de pluie: boue, petits ruisseaux en plein chemin: nous avons assisté à un concours de figures de style digne de films de Laurel & Hardy. Je vais vous avouer qu'en passant par un chemin boueux pas plus large que 15cm, avec une pente effrayante sur ma droite, je me suis imaginé la dévaler... pensées noires que j'ai bien vite chassées pour me concentrer sur mes gestes et résister à l'appel du vide. L'exploit du jour, dont nous sommes très fiers, est d'avoir évité les chutes.
Cette dernière journée en Autriche nous menait à Landeck : 44km et 2200D+ (pour les connaisseurs 2700D-... pas nécessairement un cadeau, les longues descentes en montagne…). Nous avons le plaisir de constater que nous ne faiblissons pas: 6h53'. En courant au milieu de concurrents que nous n'avions encore jamais vus, nous nous doutions que les jambes tournaient bien. Au final, nous continuons à grignoter quelques places au classement. Notre objectif est bien d'être finishers mais cela fait toujours du bien au moral!







6 septembre : Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent, Colchiques dans les prés, c'est la fin de l'été.
Aujourd'hui nous avons eu un temps d'automne typique: nuages (beaucoup), vent et pluie (un peu), et même quelques rayons de soleil...








Nous sommes arrivés à Samnaun (Suisse) au terme de la plus longue étape de la semaine: 46,5km et 2900D+, en passant par le sommet le plus élevé de la course: 2.800 mètres d'altitude. Laurent vous dirait que, finalement, elle n'était pas si difficile que cela. Je serais un peu plus nuancé: une montée continue de 2400D+ en 26km, ce n'est pas courant et ça use l'organisme. De plus, nous avons fait 9km à plus de 2.500 mètres d'altitude càd à nouveau entouré de neige. Bien sûr elle a bien fondu depuis 2 jours, mais elle s'est transformée en petits ruisseaux qui rendent le terrain difficile. Au final, nous avons mis 8h30' pour rejoindre l’arrivée.






Mais notre excellente préparation fait que nous sommes encore relativement frais, au point d'analyser le classement général, identifier nos "proies" et établir une stratégie qui nous permette de les rattraper. Laurent et moi avons beaucoup de points communs dont celui d'apprécier prendre son temps aux ravitaillements... C'est donc sur ce point particulier que portera notre optimisation de course.



Un petit mot supplémentaire pour partager un de nos bons souvenirs : tous les jours, nous croisons à plusieurs reprises un membre de l’organisation qui se place à différents endroits du parcours pour nous encourager avec une cloche, à la manière de Joe Declercq sur les courses du BW. Cette personne a un chapeau ‘espagnol’ et se déplace sur un monocycle. Impossible de ne pas le voir. Le plus drôle, c’est que c’est un parfait sosie d’Anthony, un copain du groupe RCB trail. La ressemblance est vraiment saisissante !

7 septembre : Journée merveilleuse à tout point de vue aujourd'hui. Enfin du soleil du début à la fin de l'étape, des paysages exceptionnels et une équipe de "fighters" qui avait décidé de passer à l'attaque en appliquant, à la lettre, le plan convenu. Enfin, miracle, l'horaire du jour et nos efforts en course nous ont permis de faire une sieste bien méritée!
Nous avons pris le départ de la course "le couteau entre les dents" ou, plus de circonstance, "remontés comme des coucous suisses". Le plan était simple: partir le plus vite possible pour bien nous positionner dans le peloton, serrer les dents, ne rien lâcher et surtout, arrêter de jouer les touristes aux ravitaillements! (Il m'en a fallu du courage, au dernier ravito, pour détourner mon regard affamé d'une très alléchante salade de pâtes!).

On en a bavé! Première alerte pour chacun aux quadriceps à la fin de la première montée, et deux estomacs pas au mieux de leur forme avant la dernière descente vers Scuol...
Nous n'avons finalement passé que très peu de temps l'un à côté de l'autre, ayant choisi d'optimiser nos qualités et temps forts respectifs; le premier devant attendre (1'-1'30") le second avant chaque pointage.
A ce petit jeu, c'est Laurent qui a joué les baroudeurs dans un profil d'étape qui devait théoriquement mieux me convenir. J'ai couru les 3/4 du temps derrière lui, gérant mon rythme et ma fatigue. Que voulez-vous: il est plus grand, plus jeune et plus fort que moi!
La récompense fut à la hauteur de nos efforts: 6h43' pour 39,5km, 2.200D+, 2.800D- (et 2 cols à plus de 2.700 mètres d'altitude)! A part les quelques équipes que nous avions dans notre mire, les autres coureurs autour de nous nous étaient totalement inconnus. Mais une fois la ligne d'arrivée passée, nous avons assisté avec délectation aux arrivées de nos victimes, enregistrant les écarts creusés. Alors que, depuis le début de la course, nous ne nous sommes jamais classés mieux que 120ème, nous sommes 91ème de cette étape. Et au classement général, nous faisons un bon de 29 places pour atterrir à la 110ème!



Pour fêter cela, nous nous sommes offerts un petit resto pour casser la routine de la pasta-party : hamburger et steak frites… mmmmmmmh !
Passé ce mémorable moment d'euphorie, nous avons convenu avoir un petit peu joué avec le feu, vu nos diverses alertes. Les jambes sont très dures... Notre objectif étant toujours d'être finishers avant tout, le rythme de demain sera probablement différent...
8 septembre : Encore une journée rondement menée: 6h13' pour 45km et 1700D+. Le ciel s'était mis au bleu, pour nous encourager à appuyer sur le champignon! En plus, le parcours était très roulant et les chemins sans boue. Nous voici donc en Italie!
Tout ne fut pas simple pour autant: nous étions à nouveau dans le bon peloton, sans forcer pourtant. Et puis Laurent a commencé à avoir une douleur au pied, probablement due à une torsion malheureuse de sa cheville, lors de l'étape d'hier. Heureusement, après s'être arrêté à un poste de secours et s'être fait poser un "tape", tout est rentré dans l'ordre et notre superman m'a entraîné dans une folle remontée.
Au final, nous nous rapprochons encore de la 100ème place. Beau challenge, sujet majeur de nos discussions du soir pour mettre en place la tactique du lendemain.
Laurent est encore en pleine forme tandis que de mon côté, les quadriceps sont fatigués... Mais comptez sur moi pour ne pas faire cette dernière étape en-dedans: je n'ai qu’à regarder autour de moi pour voir beaucoup de coureurs bien plus mal en point que moi. Nous nous sommes amusés à calculer qu’au rythme de notre remontée, vu notre relative bonne santé en nous comparant aux autres, nous pourrions être vainqueur de la course dans 44 jours !

9 septembre : la météo s’est surpassée avec des nuages bas et une pluie du début à la fin nous empêchant de voir les magnifiques glaciers du Oertler, plus haut sommet du parc national du Stelvio. C'était probablement le plus joli parcours de la semaine... Sniff… Il faudra revenir…
Mais quelle émotion en passant la ligne d'arrivée de cette dernière étape! Et quelle fierté!



Nous partions dans l'inconnu. Nous avons débuté prudemment, puis, constatant que notre corps avait bien digéré les 4 premières étapes, nous avons décidé de commun accord d'accélérer le rythme de course. Cela nous en a coûté, physiquement. Au final, nous arrachons la 99ème place que nous visions. Last but not least, nous avons réussi à éviter les chutes sur ce terrain miné par le mauvais temps.
Au-delà de cette satisfaction sportive, c'est aussi une énorme satisfaction humaine qui nous submerge. Comment allions nous gérer notre "promiscuité" pendant ces 7 jours? En proposant à Laurent de m'accompagner, je ne prenais pas beaucoup de risque. Au bout de l'aventure, nous ne pouvons que constater qu’il ne faut pas beaucoup de mots pour nous comprendre. Nous avons la même approche de la course et de la vie. Ce fut donc 7 jours de "vacances". Merci Laurent pour ce magnifique partage.



Enfin, pour ceux qui seraient tentés par l’aventure, je voudrais dévoiler un aspect que je n’ai pas encore abordé au cours de ce récit. Dans une proportion certainement équivalente à l’aspect sportif, une difficulté supplémentaire extra-sportive est liée à l’itinérance de la course: les bagages doivent être à la réception de l'hôtel 1h30' avant le départ et, après l'arrivée, il faut retrouver le nouvel hôtel (parfois à 30' de la ligne d'arrivée), prendre une douche bien méritée, courir au massage, aller à la pasta party qui démarre à 17h30, assister au briefing de l'étape du lendemain planifié à 19h20, préparer nos sacs de course pour le lendemain et refaire la valise pour la redéposer à la réception le lendemain. Ouf! On n'a rien oublié? Alors on peut s'endormir pour essayer de récupérer. Moyenne de sommeil par jour: 6h...
Alors, oui, nous sommes fiers d'avoir su gérer tous ces paramètres et d'être "finisher", avec un joli classement en prime.
Place à la récupération! (et aux glaces!)

Et surtout, ne me demandez pas quel sera mon prochain objectif… Ce succès, je veux encore y rêver un petit peu avant de penser à d’autres horizons.

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