lundi 15 mai 2017

récit impromptu sur la Bouillonnante, par Laurent Blasson

J’entendais hier Hélène inviter Mathieu à lui écrire quelques mots sur les sensations grisantes d’être
en tête d’une course, elle qui dit être plus habituée, sinon à la queue du peloton, du moins à ce qu’on
appelle poétiquement son « ventre mou ».

Ce sujet éveilla en moi un souvenir lié à la récente Bouillonnante. Ces quelques réflexions n’auront
pas le panache du récit de Zina, qui nous raconta sa première fois, ni l’aspect technique des bâtons
de Christophe. Elles portent sur le départ en deux vagues de cette course. Le hasard a fait que je suis
parti ce matin-là avec la seconde, trois quarts d’heure après la première...



... Le peloton de coureurs s’est très vite décanté, car les coureurs rapides y étaient rares. Une escouade
de trois ou quatre flèches s’est échappée puis je me suis retrouvé seul durant une dizaine de
kilomètres, avec l’agréable sensation d’avoir toute la forêt pour moi, comme pour un petit
entraînement dominical. Mais l’arrière-garde de la première vague commença à poindre dès le 12 e
kilomètre et les dépassements se succédèrent, telles les boules d’un long chapelet.

Les choses se corsèrent lors des passages sur les étroits sentiers avec des rochers à franchir. Le pire
fut le mur de Frahan, où le cortège des coureurs, comme un mille-pattes s’étirant le long de la pente,
se frayant un passage dans les broussailles, oblige à ronger son frein. Le coureur des bois sent alors
monter en lui les sensations primaires de nervosité et d’agacement d’un navetteur englué à 8h00 du
matin dans la rue de la Loi. Comment diable se fait-il que celui qui vient chercher les grands espaces
d’une nature farouche retrouve par moments les vils instincts de l’enfer des villes ?

J’ai aussi une pensée pour le coureur de marathon, perdu dans la masse et fourbu par des kilomètres
d’effort, qui approche d’un poste de ravitaillement. Les princes de l’élite avaient eu le privilège de
tables aux gobelets impeccablement rangés et de bénévoles concentrés pour leur tendre leur
précieux breuvage. Désormais, notre coureur anonyme assiste à un spectacle de fin de banquet. Il
doit se contenter de tables dégarnies par une meute assoiffée, où les bénévoles en pagaille
remplissent à la hâte quelques gobelets, tandis qu’une batterie de gobelets vides jonchent le sol,
comme autant d’obstacles à éviter.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Seule solution Laurent : apprendre à courir plus lentement. On est nombreux à l'avoir compris depuis longtemps ;)
- Charlie